Le Vœu de Noël : Chapitre 1

 

— C’est parfait !

Ils se tenaient à l’entrée d’une petite ruelle de banlieue sans issue, qui menait à une étroite étendue de terre, longeant les voies ferrées. Le cœur d’Isaac bondit. David avait raison… c’était parfait.

— Le garage aurait juste la bonne taille, ajouta David.

— Oui, c’est vrai. C’est presque aussi grand que la maison, constata Isaac en jetant un coup d’œil autour de lui. C’est plus calme ici au bout de la rue. Excepté pour le train, je suppose.

David sourit d’un air diabolique et se pencha vers lui. Son souffle chaud effleura la joue d’Isaac.

— Mais il ne nous dérange pas vraiment, n’est-ce pas ?

Isaac rougit. À Zebulon, il avait rêvé de s’enfuir et de prendre le train jusqu’à l’océan. Et il s’était caressé plus d’une nuit froide dans le Minnesota en entendant le grondement distant des wagons.

Après avoir vérifié l’heure sur son téléphone, David redressa le col de sa chemise sous sa jaquette.

— Elle devrait être là d’une minute à l’autre, annonça-t-il, ses yeux bleus devenant lumineux quand il était excité à propos de quelque chose.

Il fit courir sa main à travers ses cheveux sombres et épais, jouant avec les mèches qui tombaient en partie sur son front.

Ils portaient tous les deux des chemises boutonnées et de beaux pantalons, mais Isaac aurait voulu mettre une veste alors qu’il frissonnait dans la morosité de décembre.

— On est en Californie, mais il fait un froid de canard.

David prit les mains d’Isaac et les frotta pour les réchauffer, souriant.

— Ça ne fait même pas une année, et nous nous ramollissons. Pense à quel point, aujourd’hui, les dépendances doivent être froides à Zebulon. June m’a dit qu’ils ont déjà trente centimètres de neige. Peut-être que je devrais t’offrir des gants pour Noël.

Isaac haussa un sourcil.

— Nous avons convenu de ne rien nous offrir. Nous devons économiser notre argent, ou nous ne serons jamais en mesure de déménager. Les gants que j’ai me vont parfaitement bien. Quand je me rappelle de les mettre, bien entendu.

Ils se mirent à rire.

— Yoo-hoo ! lança la voix d’une femme. Êtes-vous les garçons avec qui je dois discuter de la location ?

Une vieille femme aux cheveux roux s’avança du bout de la rue, et David agita la main.

— Oui, c’est nous !

— Je suis Margery Hunt, se présenta-t-elle en tendant sa main.

David et Isaac se présentèrent à leur tour puis elle continua.

— Je vais vous faire visiter, dit-elle en se retournant pour remonter la rue.

— Ce n’est pas là ? demanda Isaac en pointant au-dessus de son épaule.

— Oh, vous êtes intéressés par la maison ? Je pensais que vous aviez répondu pour l’annonce concernant l’appartement du sous-sol.

Elle ouvrit un bloc-notes et le tint devant elle, en plissant les yeux.

— Il doit y avoir eu une confusion, dit David. Nous avons besoin d’une maison avec son propre garage. Nous avons vu l’écriteau « à louer » et nous avons pensé qu’il s’agissait de celle-là.

— Elle est à louer aussi, si vous le voulez, dit Margery en notant quelque chose dans son bloc-notes. L’autre maison est divisée en deux appartements, mais celle-ci ne l’est pas. Il y a deux chambres et pas de sous-sol, mais vous avez le garage. Bien sûr, le loyer est plus élevé.

Bien sûr. L’estomac d’Isaac se serra.

— De combien ?

— De mille cinq cents dollars par mois.

Isaac ne pouvait en croire ses oreilles.

— Mille cinq cents dollars par mois ? répéta-t-il.

Ils ne pouvaient pas se le permettre ! Ils devraient travailler plus dur, mais…

— Désolée, petit. C’est mille cinq cents dollars de plus. Trois mille dollars par mois, et ça en incluant les commodités.

— Oh, fit Isaac, voyant la même déception se refléter sur le visage de David.

— Vous voulez la voir quand même ? demanda-t-elle.

— D’accord, répondit David.

À Isaac, il murmura :

— Peut-être que l’intérieur ne correspondra pas à ce que nous voulons, de toute façon.

— Peut-être pas.

Isaac entrelaça leurs doigts ensemble, et ils suivirent Margery.

Et bien sûr, la maison était tout aussi parfaite à l’intérieur.

En dépit du papier peint défraîchi et du parquet égratigné, elle correspondait exactement à ce qu’ils voulaient. Une chambre de taille moyenne pour eux, une autre petite pièce qu’ils pourraient transformer en bureau, une cuisine et une salle de bain qui avait besoin de nouveaux carreaux et joints. Ce n’était pas le grand luxe et elle n’était pas très grande, mais elle serait à eux.

Isaac serra la main de son compagnon alors qu’ils jetaient un coup d’œil au garage où David pourrait facilement installer son atelier. Il y avait même une remise dans l’arrière-cour, qui aboutissait à une crête avant la voie ferrée. Elle n’était pas la maison de leur rêve ni quoi que ce soit d’autre. Elle était trop petite, et le voisinage était bien trop proche.

Pourtant, ils allaient devoir attendre des années avant de pouvoir acheter quelque chose pour eux, avec des terres et peut-être une grange pour l’atelier et quelques animaux. Isaac devait toujours avoir son diplôme GED, et aurait encore quatre ans d’université s’il décidait d’y aller.

Margery continuait toujours de bavarder pendant qu’elle leur faisait la visite.

— Et voilà ! Elle convient parfaitement pour un jeune couple. Que faites-vous dans la vie ?

— Nous sommes charpentiers, répondit David. Mais Isaac étudie aussi. C’est une école alternative avec des heures flexibles pour les étudiants âgés.

— Je suis toujours un apprenti charpentier, ajouta Isaac. David fait les conceptions aussi.

— Charpentiers, hum ? C’est un bon commerce. Faites-vous des meubles et des choses comme ça ?

David hocha la tête.

— J’ai eu la chance d’être très occupé depuis que nous avons emménagé ici. Le bouche-à-oreille nous a été utile.

Et heureusement pour eux, les gens à San Francisco étaient prêts à payer des sommes astronomiques pour des meubles sur mesure, des armoires et des endroits chics nommés gazebos placés dans les jardins pour s’asseoir.

— D’où venez-vous, les garçons ? demanda Margery.

— Minnesota, répondit David.

Isaac savait qu’elle pouvait entendre leur accent allemand, mais il ne s’expliqua pas davantage. La plupart des « Anglais » – comme les Amish appelaient toute personne qui vivait dans le monde extérieur – étaient gentils, bien que certains d’entre eux aient traité Isaac et David comme des animaux de foire une fois qu’ils avaient découvert qu’ils étaient Amish. Surtout quand ils découvraient qu’ils avaient vécu dans une communauté ultra conservatrice qui n’avait même pas l’eau courante et pas un seul contact avec le monde extérieur.

Au moins, Isaac et David avaient à présent beaucoup appris et pouvaient interagir avec d’autres personnes sans être tout le temps confus.

— Le Minnesota, hein ? répéta-t-elle en souriant aimablement. Je suis originaire du Wisconsin. La famille de mon mari est de Modesto, donc nous avons fini par nous installer dans la région de San Francisco. Vivez-vous à Dublin, ou bien allez-vous emménager ici ?

— En ce moment, nous vivons en centre-ville avec mon frère Aaron et sa femme, Jen, répondit Isaac. Ils ont une maison de ville à Bernal Heights. Elle est médecin et mon frère est professeur de Maths.

Pourquoi lui racontait-il tout ça ?

Concentre-toi et va droit au but. Les gens ne veulent pas connaître l’histoire de ta vie.

— C’est super de vivre là-bas, mais nous voudrions vraiment notre propre maison, un endroit plus calme. Nous avons supposé que Dublin était bien puisque ça se trouve à l’extrémité de la ligne BART, et nous pourrons toujours nous rendre en ville.

L’annonce en ligne avait dit que ce n’était qu’à quelques pas de la station de train, mais c’était une marche de quinze minutes. Cependant, ça ne dérangeait pas Isaac.

— Alors, vous possédez deux maisons dans cette ruelle ? demanda David.

— Trois, en incluant celle où nous vivons mon mari et moi, répondit-elle en les conduisant au bas de l’allée et en pointant le doigt en direction d’un bungalow muni d’une peinture rouge défraîchie et d’une clôture qui avait besoin d’être réparée. C’était son idée d’acheter ces maisons de location, il y a des années. Je pense qu’il est temps de les vendre et d’arrêter d’être des loueurs. Il n’est pas convaincu, et ça, même quand son dos lui fait tellement mal qu’il ne peut plus tout faire. Alors, qu’en pensez-vous ? Pouvez-vous prendre la maison ? Si vous avez des références ou quelque chose comme ça, je peux commencer à préparer les formalités aujourd’hui.

Les épaules affaissées, Isaac et David se regardèrent.

— Je pense que nous ferions mieux de voir l’appartement du sous-sol.

Copyright © Keira Andrews and HL (translator)

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